La femme sportive est-elle différente de l’homme sportif ? Quand on pense au sport, est-ce qu’il est pertinent de rechercher une égalité totale entre hommes et femmes, comme on le fait lorsque l’on cherche à garantir la parité dans un groupe, ou l’égalité des salaires ?
Les corps des femmes et des hommes sont bien trop différents pour cela : une femme n’est pas un petit réplicat d’homme, les deux corps ont des mécanismes de fonctionnement incomparables sous de nombreux aspects : la façon dont le corps métabolise l’énergie, la façon dont le corps est construit et de quoi il est constitué. Ces paramètres sont fondamentaux à la pratique sportive, et justifient que l’on ne cherche pas à comparer hommes et femmes, mais que l’on cherche plutôt à comprendre.
Corps d’hommes, corps de femmes
Morphologie
Les contours, formes d’une femme et d’un homme sont différents : les squelettes ont ne sont pas tout à fait identiques, le bassin d’une femme est plus large que celui d’un homme. Ainsi, l’angle entre le quadriceps et le tendon rotulien (que l’on appelle Q-angle) est plus large chez les femmes, ou en d’autres termes des genoux légèrement plus vers l’intérieur et des chevilles en pronation.
Chez l’homme la masse maigre est légèrement plus concentrée vers le haut du corps (épaule, torse), tandis que chez la femme elle est légèrement plus concentrée dans le bas du corps (bassin, cuisse) : les femmes génèrent leur puissance depuis les hanches et les jambes. Les centres de gravité sont donc aussi localisés à différents endroits : la perception de son corps dans l’espace est donc différente entre hommes et femmes.
Composition
Le corps féminin possède habituellement entre 12 et 30% de masse grasse (5 à 25% pour les hommes), ce qui explique pourquoi les femmes vont souvent plus vite que les hommes dans les compétitions de nage longue distance en eaux libres ! Pour tous ceux qui aiment les comparaisons, cela donne aussi une indication des chiffres à analyser si l’on veut comparer les performances des hommes et des femmes : la puissance par kg de masse maigre. Par exemple, une étude compare la puissance maximale sur le vélo d’hommes et femmes, avec 50% de différence dans la puissance générée. Quand les chercheurs ont comparé le ratio poids-puissance (en W/kg), la différence n’était plus que de 15%. Et quand finalement ils ont comparé le ratio poids-puissance maigre (en W/kg de masse maigre), la différence tombait à 2,5%.
Les muscles sont composés de fibres de type I (endurance, aérobie) et de fibres de type II (explosivité, anaérobie). Chez les femmes, les fibres musculaires les plus grandes ont tendance à être de type I, tandis que chez les hommes elles ont tendance à être de type II. Cela signifie que naturellement le corps féminin est musculairement enclin à l’endurance. On note aussi que pendant l’effort le corps féminin aura naturellement plus tendance à utiliser des acides gras que le corps de l’homme.
Hormones d’hommes, hormones de femmes
Là ce n’est pas une petite différence, les hommes et les femmes traversent des phases hormonales au long de leurs vies totalement incomparables ! Prenons le soleil et la lune : le soleil se lève et se couche chaque jour, certes perdant un peu de sa puissance mais cela reste imperceptible. La lune se lève et se couche chaque jour en étant différente, tout en respectant des cycles réguliers. Dans de nombreuses traditions le soleil est associé au masculin, et la lune au féminin. Ce qui prend un sens physiologique si l’on s’intéresse aux hormones sexuelles.
La principale hormone (messager chimique) sexuelle masculine est la testostérone. Cette hormone va agir par exemple sur la stimulation de la formation des os ou des fibres musculaires (stimulus anabolique), ainsi que sur la production de globules rouges (qui transportent l’oxygène respiré dans le sang). La quantité de testostérone naturellement produite par le corps d’un homme atteint un pic entre 20 et 30 ans, avant de diminuer progressivement tout au long de la vie, comme l’a montré cette étude (dont le graphique ci-contre est extrait) et de nombreuses autres.
Chez les femmes, on distinguera deux périodes bien différentes : la période reproductive (avant la ménopause), et la période non-reproductive (ménopause). Les principales hormones sont les oestrogènes et la progestérone. Elles varient de façon cyclique pendant la période reproductive et ont, comme la testostérone, des impacts sur les organes sexuels et sur de nombreux autres tissus du corps, notamment sur le métabolisme (gestion des sources d’énergie), sur les muscles (réaction aux entraînements et récupération), sur le cerveau (motivation), et sur le sommeil (récupération).
Actions des oestrogènes
Lorsque des oestrogènes sont sécrétés en quantité importante dans le milieu intérieur, les actions suivantes sont observées
- Sécrétion LPL (stockage acide gras au lieu d’utilisation comme carburant)
- Stimulation anabolique
- Croissance osseuse rapide et brève
- Stimulation AVP (vasopressin arginine) : vasoconstriction & réabsorption/rétention d’eau
- Augmente la concentration de sérotonine & dopamine (calme, bien être, mémoire)
- Augmente le sommeil profond (REM), diminue la latence au sommeil et le nombre de réveils la nuit
- Inhibe les effets du cortisol (stress)
- Sensibilité à l’insuline
Actions de la progestérone
La progestérone quant à elle aura les actions suivantes lorsqu’elle est sécrétée
- Augmentation température corporelle
- Augmentation du catabolisme musculaire
- Compétition avec aldostérone (rétention Na)
- Prévient les symptômes de panique
- Interfère avec la production de mélatonine
Les messages qui sont transmis dans le corps d’une femme
Le corps de l’homme suit un fonctionnement et des réponses à l’entraînement sans cycle : il n’existe pas dans le corps de l’homme de mécanisme qui l’appelle cycliquement à se reposer ou à performer. Le corps de la femme possède ces cycles de façon naturelle pendant la période reproductive, avant de passer à un fonctionnement sans cycles après la ménopause.
Cycles mens(tr)uels
Sans prise de contraceptif hormonal, le corps suit des cycles naturels dont la durée (entre le 1er jour des règles d’un cycle et le 1er jour des règles d’un cycle suivant) varie d’une femme à l’autre (65% des femmes ont des cycles de 25 à 30j, 8% des cycles plus courts, 37% ont des cycles plus longs, selon cette étude effectuée sur 600 000 femmes).
Lors d’un cycle, on observe deux phases :
- dans la première phase (folliculaire), la concentration en progestérone est faible, et la concentration en oestrogènes est d’abord faible, augmente progressivement pour atteindre un pic qui va précéder l’ovulation et marquer la fin de cette phase. Cette phase hormonale pour la femme sportive est caractérisée par la création de muscles, la motivation et les bonnes sensations à l’effort et une bonne récupération.
- dans la seconde phase (lutéale), les concentrations en progestérone et oestrogènes sont relativement importantes : la perception de l’effort est plus haute, et la récupération plus difficile.
Contraceptifs hormonaux
Les contraceptifs hormonaux vont apporter des doses externes fortes d’hormones de synthèse qui ressemblent à la progestérone et/ou aux oestrogènes selon le type de contraceptif utilisé. Les cycles naturels présentés au chapitre précédent sont donc tout simplement annulés par l’action de ces hormones de synthèse. Tout se passe comme si le corps de la femme se retrouve alors dans un état similaire à celui de la seconde phase (lutéale) pendant les 4 semaines de chaque cycle : elle perd donc les bénéfices de la première partie du cycle si propice à la progression musculaire !
Ménopause
A la fin de la période reproductive, le corps de la femme va effectuer une transition vers un nouveau fonctionnement hormonal. Lorsque la ménopause est établie, oestrogènes et progestérone sont sécrétés en faibles quantités par le corps qui ne reçoit donc plus les messages que l’on a présentés plus haut. Ainsi, la femme sportive va voir son corps se transformer totalement, un changement radical pour lequel il faudra adapter les stratégies d’entraînement et de récupération (sommeil et alimentation notamment) : apporter des stimulus d’entraînement plus intenses (intervalles à haute intensité), de la musculation avec des poids lourds, une alimentation équilibrée basée sur des aliments à indice glycémique bas, et globalement un entraînement plus en intense, diminué en volume, et avec une attention augmentée à la récupération.
Femme sportive : les défis
Le corps de la femme sportive : le meilleur coach qui soit !
Depuis une cinquantaine d’année, l’entraînement sportif est basé sur un ensemble d’études (compilées par exemple dans le fameux Periodization de Bompa) qui ont été réalisées sur des corps d’hommes. Plus la recherche s’intéresse et publie des études menées sur les corps des femmes, plus il est prouvé que ce qui fait le plus progresser une femme est de s’entraîner avec son corps :
- quand le corps est prêt à subir des intensités (i.e. en phase folliculaire d’un cycle naturel), à faire du muscle et récupère bien, on le soumet à des charges d’entraînement intenses (seuil, VO2max, capacité anaérobie, sprint) et de la musculation;
- quand le corps est en état d’inflammation en raison des fortes concentrations hormonales (en phase lutéale d’un cycle, ou juste après la prise d’un contraceptif hormonal par exemple), on privilégie les entraînements en volume (tempo, sweet spot), la plyométrie, la technique, la préparation mentale et on porte une attention particulière à la récupération (sommeil, siestes, prise de protéines juste après les efforts);
- quand le corps n’a plus suffisamment d’hormones (ménopause), on prend en compte ce changement de corps pour mettre en place de nouvelles habitudes de vie qui sont adaptées aux besoins de ce nouveau corps : hautes intensités, musculation avec des poids lourds, alimentation équilibrée en limitant le fructose, les indices glycémiques élevés et en s’assurant de manger suffisamment de protéines après les efforts.
Les performances des femmes sportives ne semblent pas être modifiées au cours du cycle menstruel, en revanche les sensations à l’effort et la récupération le sont. Donc, même si les performances ne changent pas au cours d’un cycle, en adaptant les séances d’entraînement au cycle menstruel les progrès sont plus importants qu’en suivant un programme d’entraînement « classique ».
En plus de permettre des progrès plus importants, adapter son entraînement à son cycle menstruel permet d’améliorer de nombreux autres facteurs (motivation, bien être, réduction du syndrome pré-menstruel…) : cela peut prendre 2-3 cycles le temps que le corps et l’esprit s’adaptent aux nouvelles habitudes, mais les bienfaits sont immenses !
Respirez… avec la bonne brassière !
Oui, l’impact d’une brassière mal ajustée est important sur les performances. En effet, une brassière trop petite va contraindre la respiration et un effort plus important devra être donné, sans compter les douleurs voire brûlures liées aux frottements, ou à des parties de la brassière s’enfonçant dans la peau. Les connaissances sont peu développées, en science et pour les femmes sportives, en termes de brassière, de type de maintien nécessaire selon les sports, de type d’encapsulation, de risques et opportunités. La poitrine est pourtant l’une des principales barrières à la pratique d’un sport, après le manque de motivation, les contraintes de temps et de santé…
Des sports comme le VTT ou la course à pied nécessitent un maintien important de la poitrine :une brassière avec un élastique large, munie de deux encapsulations différentes pour les seins et de bretelles croisées dans le dos sera un type d’équipement adapté. Pour un sport comme le cyclisme sur route, certes sans impact mais où la poitrine est dirigée vers le bas et donc soumise à la gravité, un maintien moyen est conseillé : brassière avec deux encapsulations et un élastique central moyen sont conseillés. Plus d’informations dans ce guide détaillé (en anglais).
Le périnée, zone sensible à protéger
Le cyclisme est un sport assis, ce qui peut entraîner différentes complications au niveau de l’entre-jambe, des complications cutanées qui touchent les hommes comme les femmes, des complications liées à une position prolongée faisant reposer le poids du corps sur les muscles du plancher pelvien/périnée. Le plus souvent, cela se traduit par une légère incontinence, ne pas se rendre compte que l’on perd quelques gouttes ici ou là : c’est parce que le périnée ne fonctionne plus correctement. Rester assise en permanence sans engager le périnée ou en l’engageant trop est tout aussi dommageable qu’un accouchement pour ce muscle sensible et si important : il est notre racine, la base de notre équilibre, ce qui maintient nos organes et notre énergie en nous. Et pour le maintenir en bonne santé, la seule solution est d’apprendre à l’engager, pas uniquement en faisant les fameux exercices Kegel, mais au quotidien, légèrement et avec bienveillance. Pour cet apprentissage, la pratique du yoga est selon moi la meilleure solution !