Comment s’entraîner lorsque l’on prend de l’âge ?

S'entraîner avec sa physiologie pour s'améliorer à tout âge : plus vieux, plus intelligent et plus rapide

29 Déc 2020

Nos corps changent avec l’âge (ils changent chaque jour !) : la façon que l’on a de s’entraîner doit être adaptée pour prendre en compte ces évolutions. La croyance populaire est que l’âge est nécessairement lié à un déclin de la performance en sport ainsi que de l’état de santé en général. La science n’a pas vraiment défini ce que veut dire devenir « plus âgé », mais elle a pu établir une compilation des différents symptômes observés dans la population; peu d’études ont pu suivre des athlètes sur plusieurs années, parce que ces recherches prendraient trop de temps mais aussi parce que les athlètes baby boomers commencent tout juste à vieillir et donc à pouvoir fournir des sources d’observations. Nous nous intéresserons uniquement aux hommes dans cet article, les changements chez la femme étant différents nous les avons évoqués dans cet article dédié au sujet.

Que se passe-t-il dans notre corps lorsque l’on devient plus âgé ?

Ce qui a été observé en général dans la population vieillissante (là encore, il s’agit de l’observation de la population et pas uniquement d’athlètes) est une diminution de l’élasticité de la peau (les fameuses rides), une réduction des cellules de pigment des cheveux (cheveux gris), une réduction de l’audition des sons aigus, du temps de sommeil, une perte de densité minérale des eaux, une réduction du métabolisme de base (associé à un gain de masse grasse).

Un athlète sentira aussi certains marqueurs de son âge qui avance, sans que ces marqueurs soient identifiés par une personne sédentaire :

  • déclin de la VO2max (capacité aérobie)
  • changement de composition corporelle (perte de masse musculaire et gain de masse grasse).

Dans son ouvrage Fast After 50, Joe Friel nous rappelle que la tendance générale des performances d’endurance (course à pied, natation, cyclisme, triathlon) est qu’entre 20 et 30 ans elles augmentent rapidement, après 30 ans (+/- 5 ans) et un pic de performance, elles déclinent sans que cela soit vraiment observé au début puisque ce déclin est accompagné d’une augmentation de l’expérience, de l’économie, de la stratégie. Après 40 ans, la tendance devient plus claire et même les plus grands champions ralentissent en devenant plus âgé, avec un déclin plus prononcé après 60 ans (Randsell, 2009).

Ces changements ne sont cependant pas des limitations de votre performance : si vous souhaitez continuer à courir et exprimer votre meilleur potentiel, il est important de se souvenir que les caractéristiques de votre corps ne seront des limites à vos chances de succès que si l’événement que vous visez demande ces caractéristiques précises : apprenez à connaître votre corps et à comprendre les exigences de l’événement pour vous entraîner intelligemment !

Pourquoi est-ce que la capacité aérobie diminue ?

La capacité aérobie (VO2max) est la capacité de votre corps à utiliser l’oxygène pendant un effort soutenu maximal : il s’agit de la quantité d’oxygène que votre coeur pourra pomper vers vos muscles, et de l’efficacité avec laquelle vos muscles vont utiliser cet oxygène; la puissance fournie lors de cet effort est appelée la Puissance Maximale Aérobie (PMA) et elle est souvent mesurée lors d’un effort maximum de 5 minutes ou bien lors d’un test par palier, la VO2max étant mesurée en laboratoire. Votre VO2max potentielle est partiellement déterminée par votre profil génétique (Bouchard, 1986), mais votre VO2max dépend aussi du sport (comme la course à pied utilise des groupes musculaires plus importants que le cyclisme, la VO2max en course à pied sera souvent plus élevée qu’en cyclisme), de la taille et du poids. Le graphique ci-dessous montre les performances des records en contre-la-montre de 40km aux Etats-Unis (Randsell, 2009) ainsi que les meilleurs temps des athlètes à l’Ironman Kona 2018 en fonction de la catégorie d’âge, ainsi que la VO2max moyenne de cyclistes hommes (Friel, Fast after 50).

age groups records in enduranceTanaka and Seals ont démontré dans plusieurs études que le facteur qui influençait le plus le déclin de la performance en endurance était la diminution de la capacité aérobie. Cette diminution peut être due à une réduction de la contractibilité du ventricule gauche du coeur, ou à une diminution du pouls maximum (bien que cette étude n’ait pas trouvé de diminution du pouls maximum avec l’âge), à un changement dans la capacité des poumons, des enzymes aérobiques musculaires, de l’élasticité des vaisseaux sanguins, de la densité des capillaires, …

Il est bien difficile de savoir quand ces paramètres physiologiques changent en vous, et il existe une variable plus facile à observer qui semble déterminer encore plus le déclin de la capacité aérobie : les changements d’entraînement. De nombreuses études (Seals, 1984 ,Hawkins, 2001) ont démontré que

  • les athlètes d’endurance qui ont un âge plus avancé et qui arrêtent de s’entraîner à VO2max perdent autant de capacité aérobie que des personnes sédentaires avec l’âge
  • lea athlètes d’endurance âgés qui ont un âge plus avancé et continuent de s’entraîner à VO2max ne perdent pas autant de capacité aérobie.

Pourquoi est-ce que la masse musculaire diminue ?

La science a proposé un terme spécifique pour caractériser ce processus qui semble commencer aux alentours de 40 ans : la sarcopenia est la perte musculaire associée à l’âge. Elle est principalement due à la réduction de la production des hormones qui sont étroitement liées à la croissance musculaire : testostérone, hormone de croissance et le facteur de croissance IGF-1. Après 40 ans, la production de ces hormones diminue evolution of body composition in men(Waters, 2003), ce qui rend la croissance musculaire plus difficile sans stimulation extérieure forte.

D’autres études ont démontré que faire du sport seul ne permet pas de maintenir les muscles, qui doivent être fortement stimulés si vous voulez les conserver. La bonne nouvelle est que l’on peut gagner de la masse musculaire à n’importe quel âge (Chalé, 2013) ! Sur ce sujet spécifique, le mode de vie (entraînement et nutrition) semble jouer un rôle plus important que le déclin « naturel », comme pour la diminution de la capacité aérobie.

Pourquoi est-ce que le corps accumule de la graisse en devenant plus âgé ?

Un changement semble se faire dans la composition corporelle autour de 65 ans dans la population (Rolland-Cachera, 1991). Dans le graphique ci-dessous nous pouvons voir en marron la masse maigre, et la masse graisseuse additionnée au-dessus : bien que la somme des deux reste à peu près constante avec l’âge, nous voyons clairement que la masse graisseuse augmente aux dépens de la masse maigre (données issues de Forbes, 1970). La raison de ce changement semble être un processus complexe qui implique l’enzyme LPL (lipo-protéine lipase), qui n’est pas très active chez les jeunes hommes mais dont l’activité augmente lorsque les niveaux de testostérone diminuent et que la sensibilité à l’insuline augmente, conduisant ainsi à des dépôts de masse grasse là où la LPL est la plus active (Yost, 1993).

Soyez fier d’être plus âgé : comment mieux s’entraîner avec la sagesse de l’âge !

Maintenant que vous comprennez mieux comment l’âge va influencer votre corps et peut influencer vos performances, voyons comment vous pouvez le prendre en compte au quotidien pour permettre à votre corps de donner le meilleur de lui-même.

Age & sessions de PMA: entraîner sa capacité aérobie

L’un des meilleurs moyens d’augmenter la capacité aérobie est de l’entraîner de façon spécifique : ces séances sont intenses et doivent être suivies d’une récupération adéquate et suffisante, récupération qui peut être plus lente que chez un cycliste plus jeune. Vous devez donc aussi faire attention à la fréquence à laquelle vous réalisez ces sessions car le risque de sur-entraînement est réel.

Si vous avez eu l’habitude de faire des séances de VO2max régulièrement au cours des dernières années et mois, alors continuez à les faire en restant conscient de l’importance de bien récupérer totalement avant de faire une nouvelle séance.

Si vous entraînez à ces intensités est nouveau, n’ayez crainte de rester conservateur et de commencer par une session pour laquelle vous observerez bien votre récupération afin d’ajuster la difficulté de la session suivante. Une bonne séance pour introduire ces intensités serait de réaliser les intervalles suivants (après un bon échauffement et avant un temps de retour au calme bien sûr !):

  • 10 x (30 secondes à PMA / puissance max sur 5min + 30 secondes récupération) : il ne s’agit pas d’un sprint sur 30 secondes, c’est un effort réalisé à la puissance que vous pourriez tenir sur 5 minutes ou 10% en-dessous.

Pour augmenter la charge d’entraînement, vous pouvez d’abord augmenter la durée de chaque intervalle passé à PMA, puis ensuite augmenter la durée totale passée à PMA pendant la séance entière. Une progression pourrait donc être

VO2max progression

Il est plus important de faire ces sessions régulièrement sans augmenter la charge d’entraînement que de chercher à augmenter le temps passé à PMA : commencez par faire une séance toutes les deux semaines, voyez comment vous vous sentez pendant la séance, juste après ainsi que quelques jours plus tard; si votre corps réagit bien, alors vous pouvez passer à faire une session par semaine, mais continuez à bien faire attention à votre récupération, qui va être le facteur clef avant de faire la prochaine session.

Ces séances vont aussi vous permettre d’augmenter votre puissance au seuil lactate (FTP) (Coyle, 1995), et si votre facteur limitant pour l’événement que vous préparez est la FTP, alors il est important de continuer à vous entraîner à des intensités juste en-dessous de cette intensité seuil.

Age & musculation : entraîner ses muscles âgés

Il existe un débat important sur l’efficacité de la musculation pour les athlètes d’endurance, et notamment dans le cyclisme. Lorsque l’on devient plus âgé en revanche, la situation est différente : comme nous l’avons vu, la production des hormones stimulant la croissance musculaire diminue naturellement, ce qui implique qu’il faut ajouter une stimulation extérieure plus importante sur le corps pour ré-hausser la production de ces hormones. Comment dire au corps de produire ces hormones ? En soulevant des poids lourds (Vingren, 2010)! Il est aussi extrêmement important d’augmenter sa consommation de protéines atour des séances d’entraînement. Plus vous prenez de l’âge, plus il faut vous entraîner en incluant

  • des séances de gainage
  • des séances de musculation spécifiques  avec des mouvements similaires à ceux réalisés par les jambes sur le vélo.

Une ou deux séances hebdomadaires semblent suffire pour prévenir la perte de masse musculaire (Häkkinen, 2003) ! La même règle de progression s’applique : commencez avec des poids légers en faisant 20 à 30 répétitions du mouvement. N’hésitez pas à consulter notre article spécifique sur la musculation pour le vélo pour plus d’informations.

Bien manger et bien dormir : prendre soin d’un corps plus âgé

L’entraînement est la combinaison du stress des séances ET de la récupération, la récupération étant à la fois ce que vous mangez et comment vous dormez. Comme nous l’avons déjà dit, il est important de manger plus de protéines, notamment autour des séances de musculation, lorsque l’on s’entraîne en étant plus âgé (0,93 à 1,2 g de protéines par kg et par jour, Bauer, 2013, Tremblay, 1994).

Un autre paramètre important à prendre en compte pour équilibrer les changements hormonaux que le corps traverse est de veiller à l’Indice Glycémique des aliments que vous mangez : moins vous en consommerez et plus vous aiderez votre corps à ne pas accumuler de masse grasse, soit en raison d’un mécanisme direct, soit en limitant les envies de sucré qui arrivent souvent après avoir consommé des aliments à haut indice glycémique (Gilhooly, 2007).

Enfin, maximiser son temps et la qualité de son sommeil est essentiel pour l’entraînement aux sports d’endurance avec l’âge. Les recommendations habituelles s’appliquent ici : manger son dernier repas plusieurs heures avant d’aller se coucher, limiter les doses de caféine et d’alcool l’après-midi, ainsi que l’utilisation d’écrans au lit. Le sommeil est important pour la récupération car c’est le moment où les hormones anaboliques comme la testostérone et les hormones de croissance sont produites : à vous de décider de faire autant attention à la qualité de votre sommeil qu’à vos séances d’entraînement sur le vélo !

Pour ceux qui lisent l’anglais, je recommande vivement Fast After 50, une vraie bible d’entraînement pour tout athlète d’endurance qui veut continuer à progresser et/ou performer !


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