A manger dans les poches, à boire dans les bidons : hydratation n’est pas nutrition. Avec cet article, je souhaite vous transmettre quelques explications basiques sur le fonctionnement de la digestion dans nos corps pour les appliquer ensuite à mieux comprendre comment manger et s’hydrater pendant l’effort. Les éléments de physiologie de l’effort présentés peuvent rendre la lecture de cet article plus ardue que d’autres, j’ai fait de mon mieux pour rendre l’ensemble aussi clair que possible !
Comment fonctionne la digestion
Cette section est un résumé d’un sujet extrêmement complexe dont nous n’évoquerons que les grands aspects.
La digestion commence finalement dès que vous voyez ou sentez ou voyez la nourriture : le système nerveux parasympathique réagit alors en sécrétant un peu de sucs gastriques dans l’estomac. Mâcher et avaler sont les étapes suivantes, avant la transformation de la nourriture en une bouillie épaisse appelée chyme en sortie de l’estomac.
Ensuite, grâce notamment à la stimulation par le nerf vagal, la chyme passe par petites quantités dans l’intestin où la digestion se termine et les produits finaux sont absorbés dans le sand ou dans la lymphe (un fluide contenant les globules blancs, dans lequel baignent les tissus et qui circule dans le circuit lymphatique avant de rejoindre le sang veineux.
De la nourriture à la nutrition
Une première étape consiste à réduire la taille des molécules mangées en unités plus petites grâce à des enzymes :
- les protéines sont réduites en acides aminés (de molécules plus petites contenant un groupement carboxyle et un groupe aminé – il existe 22 acides aminés différents dans les organismes vivants, et des centaines existent)
- les glucides sont réduits en monosaccharides (sucres simples qui ne peuvent pas être réduits).
Une fois que les molécules sont réduites en ces différents nutriments, leur absorption a lieu :
- les unités de glucides (monosacccharides), des protéines (acides aminés), les ions et les vitamines solubles dans l’eau (vitamines B et C) sont transportés de l’intestin grêle vers les vaisseaux sanguins à travers la paroi de l’intestin. De nombreux nutriments ont besoin d’autres espèces chimiques pour faciliter leur absorption : par exemple, la plupart des vitamines ont besoin de sodium (Na+) pour être transportées.
- les acides gras et les vitamines liposolubles (A, D, E et K) sont absorbés dans la lymphe où les acides gras sont ensuite re-combinés en triglycérides.
Eau et hydratation
L’hydratation, comme la nutrition, prend place pendant la digestion. L’eau est absorbée dans le sang par un processus appelé osmose inverse. Un peu d’explication sur ce dont il s’agit : imaginez deux compartiments séparés par une membrane semi-poreuse avec une solution aqueuse (à base d’eau) de chaque côté. L’osmolalité (le nombre de particules par litre d’eau) est différente de chaque côté : la solution qui a le plus grand nombre de particules est dite hypertonique, tandis que la solution avec le moins de particules par litre d’eau est appelée hypotonique.
Pour équilibrer le nombre de particules par litre d’eau de chaque côté de la membrane, on va faire passer l’eau de la solution hypotonique vers la solution hypertonique (puisque les particules ne peuvent pas traverser la membrane). Le transfert s’arrête lorsque les deux côtés ont la même osmolalité, auquel cas les solutions sont dites isotoniques.
Lors de la digestion, l’absorption des minéraux et notamment du sodium se passent en premier, ce qui créé une osmolalité différente entre le sang et la chyme; ainsi, l’osmose inverse peut prendre place pour faire passer l’eau de l’intestin vers le sang.
Hydration n’est pas Nutrition
Notre corps a besoin d’eau, et donc d’être hydraté, à presque tous les stades des millions de réactions chimiques qui ont lieu à chaque instant. Maintenir notre corps hydraté est essentiel pour notre état de santé général, et encore plus lors d’efforts d’endurance. Un bon moyen de savoir si votre corps est hydraté est de se baser sur votre sensation de soif (basse) ET sur la couleur de votre urine (pâle). Les études ne sont que peu conclusives sur les conséquences d’une déshydratation légère sur les performances en vélo, il est donc possible que vous ne perdiez pas trop de puissance en étant légèrement déshydraté(e), mais d’autres processus physiologiques vont en pâtir.
Comme nous l’avons vu, l’absorption de l’eau dans le sang ne peut se faire que si le sang a une osmolalité plus importante que celle de la chyme dans l’intestion -si la chyme a une osmolalité plus importante, alors l’eau sera absorbée du sang vers l’intestin, ce qui déshydrate le corps. En d’autres termes, vous vous hydraterez uniquement si vous buvez quelque chose qui a une osmolalité plus basse que le sang.
Le sang a une osmolalité typique de 275 to 295 mOsm (les jus ou sodas ont une osmolalité moyenne de 492-784 mOsm, les eaux minérales entre 13 et 119 mOsm, les cidres, vins et autres alcools ont une osmolalité supérieure à 1000 mOsm).
Les boissons de l’effort (et de récupération) : nutrition et dés-hydratation
La plupart des boissons d’effort ont une osomolalité de 300-305 mOsm (en plus d’être à l’origine de problèmes dentaires en raison de leur pH faible); les boissons de récupération ont une osmolalité typique de 373-690 mOsm. Maintenant que vous avez compris comment fonctionne l’osmose inverse et la base de notre hydration, vous pouvez en déduire que ces boissons ont une osmolalité supérieure à celle du sang, et qu’en les buvant vous allez en fait provoquer un mouvement d’eau depuis le sang vers l’intestin.
Ce qui ne signifie rien d’autre que de vous déshydrater. Le message sous-jacent est que vous ne pouvez pas attendre de votre corps d’absorber des nutriments et de l’eau de la même façon : il est nécessaire de séparer l’hydratation de la nutrition, qui sont deux processus physiologiques totalement différents et presque en compétition.
Mettez-vous à l’abri de stress physiologiques inutiles
Et pourtant, on entend partout que ces boissons d’effort sont saines et efficaces. En regardant mieux les étiquettes et en cherchant à comprendre ce qui se passe en nous, il est cependant évident que ces « aliments » entraînent des stress supplémentaires sur nos organismes qui doivent dépenser de l’énergie à les faire diminuer. Plutôt que de dépenser de l’énergie à limiter leurs conséquences, autant éviter ces stress inutiles, non ?
A noter que la maltodextrine (molécule artificielle créée à partir de substances naturelles) empêche l’absorption des fluides, que le fructose augmente le stockage de la chaleur, que le chloride impacte le potentiel électrique des membres des cellules de l’intestin et sécrète des endotoxines. Essayez de limiter au plus possible ces ingrédients dans ce que vous mangez et buvez sur le vélo. ke.
Hydration : mais que boire ?
Nous avons vu que pour faciliter l’absorption de l’eau dans le sang, il est important d’y ajouter des molécules « d’aide » (des électrolytes) comme le sodium (présent dans le sel), tout en limitant le nombre de particules par litre d’eau (l’osmolalité). Ces électrolytes sont essentiellement le sodium, le magnésium, le potassium, le glucose et le fructose.
Quoiqu’il en soit, vous ne devez pas attendre de votre boisson qu’elle contienne l’énergie dont vous avez besoin pendant votre sortie ! Vous buvez pour vous hydratez.
Des produits comme Osmo ou Nuun ont été développer avec cet unique but là d’hydrater l’organisme, et ce sont par exemple vers ces produits que je vous conseillerai de vous diriger (sans être sponsorisée par ces marques !).
Nutrition : Et que manger pendant l’effort ?
Dans n’importe quel type d’effort physique, vous brûlez un carburant (acides gras, glucose, phosphocréatine par exemple) présent dans le corps pour produire de l’énergie dans les muscles -et de la puissance sur les pédales !
Après avoir réfléchi à que boire, pensons à quoi manger . Il n’existe pas de solution unique qui convienne à tout le monde, mais une règle est commune : fuel your ride (nourrissez votre entraînement), proposé par Dr Sims.
Cela signifie d’adapter ce que l’on ingère à
- soi : homme ou femme (certains processus d’assimilation sont différents) et le moment dans le cycle menstruel
- le type d’entraînement (durée et intensité)
- l’environnement (altitude, température, humidité, sur home-trainer, etc.).
J’ai toujours été sceptique par rapport à ces barres d’effort toutes prêtes imaginées par des ingénieurs dans leurs laboratoires. Notamment, j’ai du mal à imaginer que des ingénieurs et nutritionnistes peuvent faire des aliments qui nous correspondent mieux que ce que la nature fait depuis des millions d’années.
En plus de leur prix élevé, je n’ai pas non plus été convaincue par le goût trop sucré de la plupart des barres énergétiques. Puis suivant les conseils du Dr Sims j’ai commencé à utiliser des aliments habituels pendant mes sorties : pommes de terre au four, amandes, gâteaux de riz… Cela a tout changé ! Ma propre expérience ainsi que des voix scientifiques de plus en plus nombreuses recommandent d’utiliser des aliments « réels » quand on est sur le vélo. Vous pourrez trouver d’excellentes idées et recette (en anglais) dans Eat, Race, Win ou Feed zone portables.
Pour résumer, comme la plupart de nos processus physiologiques, la digestion utilise tant de paramètres qu’elle en est un processus hautement individuel. Ainsi, la nutrition comme l’hydratation doivent être étudiés et adressés séparément, en fonction de votre sexe, de votre entraînement, des conditions extérieures. La nutrition sportive est devenue ces dernières années une industrie de marketing se développant à pleine vitesse, mais l’hydratation sportive n’a pas la même publicité. Rester vigilant à la réalité des produits et de nos corps est important pour s’assurer de se nourrir de la façon dont nos organismes en ont besoin !