Planifier ses succès et comprendre comment on y est arrivé peut s’avérer compliqué en raison de toutes les variables à prendre en compte. Etre « en forme ».. Quand on est en forme, les jambes sont légères, on n’a pas de limites et on sait que ce jour là, personne ne peut nous battre. Il y a des années, tous les pros savaient ce que c’était, mais on était incapables de le décrire. Qu’est-ce que ça veut vraiment dire « être en forme » ? Pourquoi est-ce que ça arrivait et comment fait-on pour avoir cette mystérieuse « forme » ?
Les questions pour comprendre comment planifier ses succès
Quelques années plus tard, maintenant retraité du circuit Pro Tour, je suis responsable envers mes athlètes pour qu’ils soient en « forme ». Il ne s’agit pas seulement de leur permettre d’être « en forme », mais qu’ils soient en forme lors de leur course majeure. Et c’est là qu’est tout le défi : comment peut-on être en forme le jour ou pendant la période que l’on choisit ? Comment savoir que l’entraînement que l’on a fait va nous donner de quoi fournir nos meilleures performances à ce moment là ? Est-ce qu’on s’entraîne trop ? Est-ce qu’on s’entraîne dans les bonnes zones de puissance ? Est-ce qu’il y a suffisamment de variété dans l’entraînement pour que tous les systèmes énergétiques soient stimulés ? Les mêmes questions que je me posais quand j’étais pro, je me les suis posées en tant que coach.
Données et réponses à l’entraînement
Quand les capteurs de puissance sont arrivés, j’ai cherché à définir comment quantifier chaque dose d’entraînement pour utiliser au mieux les données de puissance dans les plans d’entraînement. Parce qu’en vrai, comprendre les doses et les réponses à l’entraînement est absolument nécessaire pour réussir.
En connaissant finement chaque dose d’entraînement et tous les ingrédients qui la composent, on pourra ensuite accéder facilement à la réponse à cette dose d’entraînement et faire des changements si besoin.
Grâce aux capteurs de puissance et plus spécifiquement à la capacité à enregistrer chaque seconde la puissance, la cadence, le cardio, etc. nous a permis de quantifier avec précision la réponse à la charge d’entraînement. C’en est fini des jours où l’on partait rouler 4 heures un peu au hasard en espérant que cela serait suffisant pour notre prochaine course. Le temps et la distance étaient les seules choses que l’on maîtrisait dans la charge d’entraînement, avec le cardio, l’échelle d’intensité subjective de l’effort, la VO2max sont tous des paramètres de réponse à la charge d’entraînement, les watts.
Quantifier la dose d’entraînement
En tant que coach, cela me permet d’être plus spécifique dans les entraînements que je donne à mes athlètes : 45′ à 89% de ta puissance seuil (FTP) chaque jour pendant 4 à 6 semaines, et nous pourrons voir quelle réponse cela créé. Avec un capteur de puissance on peut aisément voir les résultats des entraînements, mais en tant que coach il m’était indispensable de quantifier exactement la dose d’entraînement requise, un nombre qui me permette d’être plus précis que 2 x 20 minutes au seuil ou 6 x 5 minutes à VO2max.
Après avoir échangé à ce sujet avec mon ami et brillant scientifique Dr. Coggan, il est revenu vers moi deux semaines plus tard avec ce qu’il a appelé le Training Stress Score (TSS) -score de charge d’entraînement qui pouvait s’appliquer à chaque sortie en lui associant un chiffre unique indiquant la dose d’entraînement. Il s’est basé sur les travaux du Dr. Bannister autour du score TRIMP.
Training Stress Score & Intensity Factor
Training Stress Score (TSS) est un outil basé sur le principe que les points marqués au-dessus de votre puissance seuil valent plus que les autres. Ainsi, une heure à la puissance seuil vaut 100 points TSS. Pour compléter cette notion et ajouter la prise en compte de l’intensité, Dr. Coggan a ajouté le facteur d’intensité –Intensity Factor (IF): 1h à puissance seuil vaut un score de 1.0.
La création de ces deux scores a permis de quantifier l’entraînement avec précision grâce au capteur de puissance : ils fournissent une façon simple de comprendre la dose d’entraînement et d’observer comment l’athlète y répond.
Le mystère de la « forme » enfin révélé
La compréhension des doses et réponses à l’entraînement ne nous permet pas encore d’approcher le but ultime (selon moi) du coaching : être en forme au moment précis où l’athlète veut être en forme. En tant que coach, je peux permettre à n’importe qui d’être physiquement au point : avec un peu d’intervalles, de montées, ce n’est pas si compliqué. Mais être en forme ce n’est pas uniquement cela, il y manque un composant clef. En discutant récemment avec un vainqueur du Tour de France, il me disait être capable de sentir quand il est en forme, mais de ne pas avoir les mots pour le décrire. A la fin du Tour, il n’était pas en forme, et pourtant il était physiquement bien ! D’un autre côté, il n’est pas au top physiquement en ce moment, mais il est frais de ne pas avoir beaucoup roulé, et il n’est pas en forme non plus.
On a donc ici les deux aspects d’être en forme que Dr Coggan a défini comme la somme de la capacité physique (fitness) et de la fraîcheur. C’est l’équilibre entre un peu de ces deux aspects qui va faire que l’on se sera en forme.
Fitness
Le concept de Fitness repose sur 2 éléments : la charge d’entraînement chronique -Chronic Training Load (CTL)- et la charge d’entraînement aigüe -Acute Training Load (ATL). La charge d’entraînement chronique prend en compte les doses d’entraînement des 6 dernières semaines. L’entraînement que vous avez fait il y a 6 semaines vous impact aujourd’hui. La charge d’entraînement aigüe prend en compte les doses d’entraînement des 7 derniers jours, et donc l’entraînement que vous avez fait le week-end dernier vous impact encore alors que vous êtes en train de lire cet article.
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Freshness / Fraîcheur
En équilibrant les charges d’entraînement chronique et aigüe, vous pouvez créer un haut niveau de fraîcheur et de fitness, et donc de gestion de votre « forme ». On l’appelle l’équilibre de la charge d’entraînement –Training Stress Balance (TSB). Lorsque votre TSB est positif, cela veut dire que vous êtes frais, et si vous avez en plus un bon niveau de fintess, c’est là que vous aller pouvoir faire des pics de performance. Plus le TSB est positif, plus vous êtes frais. Plus il est négatif, plus vous êtes fatigué.
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Gérer sa forme et ses performances
Une fois que l’on avait mis le doigt sur cette simple équation, il est devenu possible de savoir comme gérer sa forme. Tout cela pour finalement introduire le Performance Management Chart (graphique suivi de performance). Ce graphique disponible dans WKO5 et permet de voir exactement comme la dose d’entraînement (le TSS) influence votre « forme », et donc quelle est votre réponse à l’entraînement.
Dans le graphique ci-dessous vous pouvez voir la ligne bleue de la charge chronique d’entraînement, en rose la charge d’entraînement aigüe et en jaune le TSB (l’axe horizontal correspond à un TSB nul, toute barre au-dessus indique que vous aurez de fortes chances de faire un bon entraînement ce jour là).
De la théorie à la réalité
On voit dans ce graphique un athlète qui a initialement mis tous ses oeufs dans le même panier pour une course mi-juin. Toute sa saison était construite autour de cet événement, et on peut voir que sa CTL (en bleu foncé) augmente progressivement jusqu’à un maximum (où il sera aura le plus de fatigue) mi-juin.
Après cette période, il commence à s’affûter en réduisant drastiquement son ATL, ce qui a pour conséquence de faire légèrement diminuer sa CTL (mais moins rapidement) : cela lui permet d’être frais. On voit notamment que son TSB passe de -36 à +37 le 11 juin, veille de sa course, et qu’il réalise son meilleur record de puissance de toute l’année sur 20 minutes le jour de la course : VICTOIRE !
Après avoir atteint cet objectif, il continue à diminuer sa CTL pour être de plus en plus frais mais perdre un peu de forme physique.
Pendant 40 jours son TSB était positif, avec une forte réduction de son ATL, ce qui le rend de plus en plus frais en juillet. Typiquement, plus vous êtes frais et plus vous allez pouvoir produire des hautes puissances sur des efforts très courts (3 secondes à 3 minutes – capacité anaérobie). On le voit dans cet exemple où le 16 juillet, avec un TSB de +19, il bat largement son record de puissance sur 3 minutes, ce qui était totalement prévu grâce au graphique Performance Management Chart !
Une vue nouvelle sur un modèle déjà ancien de la planification des succès
Dans le monde du coaching et la manière d’entraîner et de planifier, rien n’a vraiment changé : les mêmes principes érigés par Dr. Tudor Bompa s’appliquent de la même manière : il s’agit toujours de construire, de s’affûter et de se reposer pour créer la sur-compensation et l’adaptation voulue et décrite en 1968. L’art du coaching est cependant toujours vivant, et en tant que coach mes années dans le peloton professionnel, et mon expérience à travailler avec de très nombreux athlètes de profils différents, du novice au pro, et mon intuition me sont utiles au quotidien.
Ce qui a changé cependant, c’est notre capacité à quantifier précisément grâce au capteur de puissance les doses et les réponses à l’entraînement. Là est la révolution. C’est ce qui a transformé la façon dont les athlètes et les coaches voient l’entraînement. Et grâce aux outils tels que la gestion de la performance, on est aussi capable de savoir à quel moment se reposer pour éviter le sur-entraînement.
En comprenant les concepts de base de cet article et en utilisant votre capteur de puissance, vous avez toutes les chances de réaliser vos objectifs cette saison, que votre FTP ne cesse de croître !
Cet article fait partie d’une série d’articles initialement écrits et publiés par Hunter Allen sur Peaks Coaching Group et que nous partageons ici dans le cadre de notre partenariat.
Hunter Allen oganise des webinars d’entraînement chaque mois. Ce sont des opportunités bon marché de continuer à apprendre la science de l’entraînement et l’utilisation d’un capteur de puissance. Les webinars précédents sont disponibles en re-visionnage sur www.PeaksCoachingGroup.com. Hunter propose aussi des plans d’entraînements en ligne disponibles sur www.TrainingPeaks.com/hunter.